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A 3h du matin c'est plus la même...

2 Juin 2014 , Rédigé par Vincent COLETTI

A 3h du mat´, c'est plus la même!

Note importante aux lecteurs de ce putain de blog:

Je soussigné Vince, aka le mec qui roule du croissant comme d'autres leur bosse autour de la planète, décline toutes responsabilités concernant la non activité de ce blog depuis plusieurs jours! L'unique responsable est, et restera la fatigue! Et ouais boulanger ou écrivain, il faut choisir. D'autre part, je perçois des droits d'auteur sur chaque article, qui augmentent à chaque fois que vous lisez mon blog. Mais soyons honnête, vous ne financez en aucun cas l'ouverture de ma prochaine affaire à l'autre bout du monde. Toute fois, le peu d'argent collecté sera reversé entièrement à une association caritative. Ok, je n'ai pas le talent pour vous passionner autant que Matt et son blog letourdumondedemateja.over-blog.com, cependant, en plus de passer un bon moment (ou pas) à me lire, vous faites un geste humanitaire!

Je vous remercie pour tous vos messages de soutien depuis le début de ce blog, 250 vues pour l'article "mes premières baguettes", ça pèse pour un apprenti boulanger... N'hésitez pas à vous abonner en laissant votre email sur la page d'accueil. Voilà fin de la paranthèse les amis et bonne lecture pour ce nouvel opus qui va être long, navré...

Mais quelle idée j'ai eue de vouloir devenir boulanger?!? Sérieux, je ne regrette en rien cette décision mais je pense avoir compris en quelques jours ce que ces mecs vivent tous les jours. J'imagine que c'est la même pour tout métier de nuit, mais là, tu es vraiment en marge du reste du système. D'ailleurs à 3h du mat, il n'y a plus trop de système. A 3h du mat, la ville sommeille et ne se fait réveillée que par des arrachés tel un môme par ses cauchemars. En parlant de môme, je vois un peu plus Roxane étant donné que ma journée finit trois heure après que la sienne ait commencée. Du coup, c'est papa, en plein jet lag qui la récupère. J'avoue que c'est hardcore à partir de 19h puisque pour mon corps, c'est comme s'il était 3h du mat'. Alors va expliquer à ta fille pourquoi tu fermes les yeux en la regardant manger... Surtout quand ta fille est dans la phase des "Et pourquoi?!". Tu t'aperçois d'un coup qu'il y a des questions à tout mais que t'as pas les réponses pour tout... Enfin, je ferme cette parenthèse car je pense que ce qui vous intéresse c'est plutôt ce qui se passe aux alentours de 3h du mat dans ma vie d'apprenti boulanger!

Pour cela il faut que je remonte 24h avant l'heure du crime, sauf que je suis moins frais que Jack Bauer...

Mercredi 7 mai 2014, je rentre de Paris en mode un peu déchiré... Il est 1h30 du mat. Je viens d'encaisser une journée de taf qui avait débutée 21 heures auparavant et qui s'est terminé par un ptit resto réunionnais... Le goyavier, fabuleuse cantine de Benoit Tardif, qui sert du très très bon aussi bien dans l'assiette que dans le verre!!! J'avoue que ce spot est une pure bombe à retardement. Premièrement parce que le Rhum n'agit qu'une fois que t'essaies de rentrer chez toi sur la pointe des pieds pour pas que madame ne se réveille. Deuxièmement, parce que tout le piment ingurgité n'agit que le lendemain... Mais merci pour l'adresse mec, je te dois un Kurde!

Donc je rentre vers 1h30 et décide de sortir Arobase (mon cleps pour ceux qui ne connaîtraient pas la bête...). Je consulte alors les différents MMS, SMS, messages vocaux, messages Facebook, emails et autres données cellulaires car oui au Goyavier tu éteints ton téléphone à la demande du patron. Donc j'attaque par les messages vocaux puisque j'attend mon emploi du temps pour la fin de semaine. Donc pendant que @ me tracte tant bien que mal dans les rues ghettos du quartier du docteur Pierre, tel Matt par son bébé pitbull dans celles de Mexico (Check letourdumondedemateja.over-blog.com), la voix d'Alexandra, la patronne , m'annonce "vincent c'est bon, j'ai vu avec Léo tu commences a 3h du mat demain et vendredi matin! Repose toi bien...".

C'est dingue les liens qu'il peut y avoir entre la tête et le reste du corps. Comme si mon tympan avait dit à mon cerveau de dire à mes pieds de marcher un peu plus droit... Piquouse d'adrénaline en fait. Dans le crâne, y'a tout qui fuse "Oh bordel c'est dans 25h". J'élabore donc une stratégie pour le sommeil du lendemain tel Didier D sa liste de 23+7. Mais au bout de 2 minutes je me rends compte qu'elle tient pas la route cette liste... Je parle pas de celle de DD mais la mienne, quoique j'aurai sélectionné Ibrahimovic en pointe quitte à le nommer président de la république pour régler l'histoire de la nationalité! Et puis footballistiquement et politiquement, on aurait été gagnant.

Cependant, comment peux-tu espérer dormir la journée alors que t'es le mec qui a toujours dit que "dormir c'est une perte de temps!"... Donc je pars sur le principe: sommeil de 1h45 à 7h00 puis sieste de 13h à 16h et de 21h à 23h. De plus, Jo travaille, mais pas la nounou, donc va falloir gèrer avec la poupée.

Jusqu'à 7h00 pas de soucis, parce que Goyavier 1 - Vince 0. De 7h00 à 13h00, et bien Piment/Rhum 1 - Vince 0, mais je me dis que tout ce paie sur cette planète et que la veille c'était bon dans l'assiette et bon de trinquer avec Ben donc pas de recours à la médecine... De 13h00 à 16h00, sieste crapuleuse avec Roxane que j'ai tentée de prolonger dans le canapé devant Dora l'exploratrice mais c'était sans compter qu'à chaque fois que Cheaper débarque, il faut l'imiter sinon ta fille te regarde avec une immense déception et ça c'est pas possible. Donc de 16h00 à 17h00, c'est imitation de Cheaper et goûter deluxe (se souvenir de ne pas imiter Diego pour être tranquille le lendemain de cuite pour les 6 prochains mois...) .

17h45 et 3 tasses de café plus tard, je me dis que ça va être chaud de survivre de 1h jusqu'à 3h sans dormir et je n'ose imaginer ma journée qui m'attend le lendemain. Surtout que je me connais, je vais pas que boire un coca zéro durant 2h au coin du bar de nuit (pour les retardataires n'ayant pas lu les autres articles: un bar de nuit est collé à la boulangerie).

17h46, vous avez un nouveau message... Et là, tout mes plans partent en saucisses et principalement celui qui consistait à dormir de 21h à 23h. J'explique...

Jan et Cissi, un couple d'amis suédois ont débarqué le weekend dernier sur panam pour profiter de la vie mais aussi pour honorer deux places pour le match PSG-Rennes. Que dis-je?!!! Pour voir le roi de suède, l'ambassadeur mondial, la perle du pays loin devant ikea, H&M, krisprols, Volvo et ABBA, oui, dieu réincarner en footballeur: mr zlatan himself. Manque de chance pour eux , les 11 joueurs du stade rennais avaient décidé d'aller assister à la finale de la coupe de France ce weekend là et le match fut donc repoussé au mercredi 7 mai, c'est a dire la veille de mon 1er jour d'embauche à 3h du mat! Mais ça personne ne le savait, pas même dieu, enfin zlatan, encore moins moi. Du coup, j'apprends avec bonheur et embarras que Cissi n'a pas pu vendre ses places sur internet et que du coup elle me les refile! Les suédois sont presque aussi gentils que Rodrigo de Mexico City (encore une fois lire letourdumondedemateja.over-blog.com pour comprendre). J'appelle Raph, il est en route pour le taf. "Yo mec, j'ai deux places pour PSG Rennes ce soir, ça sent le titre de champion, et en plus Dieu devrait apparaître sur la pelouse". Un moment de silence... Normal, en fait on communique par SMS. Il me répond qu'il est déjà sur le chemin du boulot mais qu'il s'en fout, du boulot, qu'il va arrêter parce que ça le fait pas au resto... Bref un pur supporteur du PSG version footix!!! Prêt à lâcher son boulot pour aller au Parc... J'le raisonne, il se raisonne et finit par décliner l'invitation. Je tente donc avec Tony mais il est indisponible. Du coup je tente de réfléchir autrement, quitte à aller voir l'égérie de la suède autant y emmener la partie de la suède qui compte le plus pour moi, c'est à dire Jo! Problématique, on a une fille de 3ans pas forcément en âge de se gérer elle même, donc Gogogadget au téléphone et en 5 mins le tour est joué pour laisser la poupée chez ma sœur sur Bécon les Bruyères. Ok il est juste 19h, il faut décollé immédiatement car le temps de prendre le train jusqu'à chez la frangine, puis reprendre le train jusqu'à St Laz, puis la ligne 9 jusqu'au Parc, ça va être tendu niveau timing... Bon oubliez, quand t'es pressé, ta fille ne l'est jamais, mais on s'en sort pas trop mal puisqu'on débarque dans le métro 20 minutes avant le coup d'envoi. Là, forcément, s'en suivent de très longues minutes de solitude entourés de supporteurs du PSG, moi le partisan marseillais! Mais ça va, c'est plutôt assez drôle d'entendre des gars se chauffer sur le fait que Jallet va être la surprise de la liste de DD pour la coupe du monde et j'en passe... Plus on arrive à proximité du parc, et plus l'atmosphère se remplit d'odeurs de 8.6 et de bédos. Il faut bien que tout ces footix oublient d'un moyen ou d'un autre que le prix des places pour voir jouer à la baballe des millionnaires et dieu, c'est du braquage. Bon je passe rapide sur le match car il était bidon mais madame avait son pèlerinage et c'était l'essentiel.

Il est désormais temps de revenir à mon emploi du temps complètement foutu en l'air. Je vais être franc, à ce moment là je sais déjà que je suis au bout du rouleau et que ça va pas le faire... J'ai juste envie de dormir. Donc retour dans le métro ligne 9 blindé de supporteurs déchirés, puisque 8.6 et bédos font désormais effets. Ils se prennent tous pour les experts de canal+ mais le pire dans tout ça, c'est qu'au milieu de toute cette testostérone, on retrouve gavé de "meufs" (à vérifier) en Nike Requin et maillot de Pauleta sur le dos. Je comprend pas!!! Est-ce un moyen pour elles d'avoir toujours un oeil sur leur mec? Est ce que leurs mecs sont trop cons pour ne pas comprendre qu'elles sont raides dingues de Zlatan et qu'elles ne viennent pas pour le foot mais pour les footballeurs? Passons... Arrivés à la station Trocadéro, arrêt du métro, fumée épaisse, évacuation des lieux, ça commence bien, mais on prend la ligne 6 pour passer par Etoile afin que Jo puisse prendre le RER et rentrer à la maison. Choses faites 10mins plus tard, il est temps pour moi de me lancer dans ma soirée...

A la base, j'étais censé arriver vers 1h sur châtelet et que Raphaël me rejoigne dans le bar de nuit après avoir fermé son resto. Je lui envoie quelques sms pour lui dire que du coup je le rejoins dans le 20ème, exactement à l'opposé dans Panam, et que l'on avisera une fois son resto fermé! Pas de réponse. J'hésite entre le fait qu'il ne puisse pas répondre car il a du monde au bar ou parce qu'il s'est pendu au comptoir du fait de ne pas avoir pu faire lui aussi son pèlerinage... Bon pour Raph cette divination est moins importante que pour Matthieu, parce que Matt lui, il est parti jusqu'en suède tout en feintant un besoin de voyager seul, mais surtout pour espérer chasser l'élan avec son idole.

Donc me voici parti pour environ 45 mins de métro via ligne 2 et ligne 3 pour atteindre porte de Bagnolet en espérant un signe de Raphael. Dingue, c'est quasiment le temps nécessaire pour rejoindre Bordeaux en avion!!! Sauf que là, les hôtesses sont remplacées par des supporteurs du Qatar Saint Germain. C'est moins sexy et un peu plus alcoolisé... Et même dilemme à la vue d'une nana avec un maillot du PSG! Elle espérait un millionnaire, elle rentre avec un gros beauf! Il devrait faire un "confession intime" sur ce sujet.

Soudain Raph sort de son silence pour m'annoncer qu'il ne sera pas seul, sa femme arrive au resto et compte bien être de la partie... Les plans commencent donc à changer puisqu'à 3 sur un scooter ça va pas trop le faire et nous en convenons donc qu'il est préférable de se retrouver sur Bastille. Le Sanz Sans, rue du crime, où tout ce qui s'y passe y reste, fera l'affaire. Forcément je commence à me dire que je ne vais pas arriver entier pour embaucher. Il est déjà minuit, il me reste 3h avec un de mes plus gros défit, ne rien boire d'alcoolisé! Difficile, surtout quand je m'apprête à franchir la porte d'un bar dans lequel il est très rare de payer un verre parce que les gars derrière le zinc arrose à tout va. Alors je vous imagine déjà entrain de vous dire: "nooooonnnn il va être déchirer pour faire son pain...". Ben vous avez pas tord! Mais pas de la même façon. J'y arrive.

Vers minuit quinze, me voici devant le Sanz Sans, après un long temps de vol avec Emirates RATP. J'apprends que les gars ne bossent plus au bar (tu m'étonnes s'ils offraient à tous les clients autant qu'à nous, le patron a du voir rouge), et je reçois un sms de Raph m'annonçant que Mel avait finalement fait demi tour, mais qu'il allait arriver que d'ici 20mins (c'est à dire 30 à Paris puisque personne n'est jamais à l'heure dans cette putain de ville). C'est dingue ce que ça peut être long 30 mins seul dehors (j'imagine même pas un tour du monde), alors pour passer le temps je pris la décision de me remettre à fumer. Ouais pas bien, surtout quand tu as décidé de faire le 13 septembre une Spartan Race. Mais comme je vais y mourir autant ne rien se refuser. Vous ne me croyez pas alors regardez: http://www.spartanrace.com. 5 clopes plus tard et quelques discussions avec des gens un peu bourrés sur le faubourg saint Antoine, voilà que Raph arrive en scooter. Après analyse financière de la situation (sans Chinois et Jérémie derrière le bar) on décide de tenter notre chance du côté de la rue des dames près de la place de Clichy. Le Crems, un pote du sud ouest, bosse derrière le comptoir des "Caves Pop" mais ce soir là, le ptit poulet n'y bosse pas!

L'horloge tourne, il est déjà plus d'une heure du mat, je sens que ma barre d'énergie est presque vide, mais Paris by night en 2 roues ça te fait ouvrir les yeux en grand. Du coup direction "De Voltaire à Rousseau", le bar de nuit collé à la boulangerie... Enfin de l'action vous me direz! Ben pas forcément. C'est pas le repère à arrachés comme je le pensais... Bien au contraire, ici tous les serveurs et serveuses du quartier se retrouvent après avoir fermé leur rad. Ils débarquent petit à petit entre 1h et 2h du mat accompagnés ou pas mais dans ce 30m2 l'ambiance est à la déconne sur du bon petit son. Derrière le bar Nico et Isa (frère et sœur) tentent de faire perdurer l'aventure que leur mère a lancée 20 piges plus tôt. J'avoue qu'il y a bien eu le petit mec éclaté, accompagné d'un gros bof, qui cassèrent un peu l'ambiance! Couple improbable de potes dont 60 bons centimètres séparaient le peu de cerveau encore actif chez eux. S'il avait fallu sortir la boîte à gifles, je pense que Nico n'aurait pas eu de mal à lourder la crevette! Par contre ,l'autre, ça aurait été carnaval. Un espèce de Golgoth auvergnat qui ne cessait de dire au poids plume "oh si ils t'emmerdent j'suis là, je cherche pas à me battre mais s'il faut donner quelques gifles pourquoi pas!". Au moins ça c'est dit...

J'ai pas su résister à l'appel de quelques bières durant l'heure précédente mon embauche. Mais quand il fallu aller de l'autre côté du mur, les demis s'étaient soudain transformés en pinte au moment de passer dans le sang... J'étais tel un petit rennais un samedi matin avant embauche sans sa galette saucisse pour tenir la journée (dédicace à mes amis bretons).

Je remercia Raph pour avoir été de la partie, comme souvent d'ailleurs depuis que l'on se connaît. Puis après avoir franchi la porte à digicode, je me répéta en boucle "jusqu'à la mort mec, on ne vit qu'une fois, dormir est une perte de temps!!!". Mes pensées furent stoppées net à l'impact de l'atmosphère régnant à l'intérieur de la boulangerie. Le ronronnement et la douce chaleur du four, le bruit des palles du pétrin brassant la pâte... 2h55, Phillipe est déjà au turbin, aussi motivé à lancer ses préparations que l'autre à foutre des baffes.

Un aller retour au sous sol pour saluer Éric le pâtissier et me mettre en tenue (changer mes Nike blazer bleu suède contre mes Nike blazer grises), je réalise que je dois puer la bière donc autant être cash avec tout le monde. Un peu gêné, j'explique ma soirée à Philippe, mais il me rassure tout de suite en me disant que dans la profession y'a autant d'alcooliques que de boulangers. Me voilà parti pour 30mins d'anecdotes et autres histoires invraisemblables...

Mes débuts se sont résumés à de l'observation car le matin de 3h a 4h30, on fait du pétrin, c'est tout. Pas de cuisson, juste de la pâte que l'on divise en portions de quantités diverses selon leur utilité. Au programme: des viennoises, des classiques, des traditions, des tours de meules et les petits pains spéciaux.

A lire je ne sais pas si ça représente beaucoup de boulot mais en réalité c'est une putain d'exploitation! Enfin, pour Philippe ça glisse, mais pour un novice ça donne le vertige!!! Je me disais que j'étais pationné par mon taf chez Chevignon, que je faisais beaucoup d'heures que j'enquillais par dévotion, mais je me suis soudain aperçu que c'était de la branlette. Ici c'est la guerre, la vraie, un samedi de soldes rue du crime (bastille) tous les jours! Température ambiante 36 degrés, face au four tu ne regardes même plus le thermomètre, même une balade à cheval dans un canyon mexicain, comparer à ça, c'est tel l'intitulé "une balade". Puis y'a de la farine partout, qui a pour propriété moléculaire de bouffer H2O. Pour ceux qui ont grillé les cours de chimie au bahut, je traduis: la farine assèche tout! La gorge et les sinus sont aussi secs que le vagin d'un trans brésilien du bois de Boulogne. Autre contrainte, le poids, car avant d'avoir en main 400gr de pain quand vous sortez de la boulangerie, le type derrière s'est tapé des sacs de farine de 50kg à porter jusque dans le pétrin. Mais si ce n'était que ça... Au bout de 45 minutes de pétrissage, les kilos de farine, de sel, de levure et les litres de flotte, se sont transformés en 150kg de pâte. Pour la sortir de là, déjà tu te baisses car le pétrin c'est une grande cuve de 70 cm de haut, puis il faut tailler des gros pâtons de 8kg avec une sorte de petite "truelle". Tout se fait à la force du poignet et de l'avant bras, gestes précis, francs et rapides. Tout ce que tu n'as pas dans ta poche "Gogogadget à" quand tu sors du bar d'à côté, qu'avant t'as zoné dans le métro, que t'as supporté (du verbe subir et non encourager) 44998 footix, etc... Bref, j'me dis qu'il va falloir arriver en forme le lendemain parce que je vais forcément vouloir en découdre avec Madame la pâte... Mais aujourd'hui je passe mon tour, je vais regarder. Philippe ne l'a pas vu ainsi! "Sisi mec, tu vas morfler", fût la traduction du regard qu'il me lança en désignant le pétrin.

Forcément tu veux pas décevoir le type dans ces moments là donc t'y mets tout ton coeur, ta volonté et tes dernières forces! Premier pâton, 8kg200, pas mal, mais simple chance du débutant! Le reste fut un délire total. Parfois il manquait 1kg300, parfois j'en mettais 2kg de plus. Physique le bordel, mais je fus rassurer par les mots de l'expert qui me dit alors "tu sais la pesée, beaucoup de boulangers galèrent!". Je lui ai répondu: "merci pour ta politesse"...

La première étape se passe sans trop de pertes et fracas, s'ensuit la deuxième qui consiste à séparer les 8kg en 20 parts égales à l'aide d'une diviseuse. Un bac dans lequel des lames s'insèrent qui compacte la pâte avec une pression de 400kg/cm2 soit la force de la gifle sur ta gueule de la part de l'auvergnat accoudé au bar à côté. Désormais tout est une question de rythme: fariner le bac, vider le pâton dedans, fariner le pâton, baisser le couvercle, bloquer le couvercle pour pas le prendre dans la gueule avec la pression, activer les lames, ouvrir le couvercle et balancer les 20 petits pâtons à 1 mètre de distance sur des tiroirs sous une autre machine. Processus à répéter 6 fois afin de se préparer à façonner 120 baguettes et espérer les cuire pour 6h du mat'. Le reste des bacs de 8kg partent dans une armoire froide afin de "bloquer" la pâte (le froid stoppe l'effet de la levure, ce qui empêche la pâte de gonfler). Les bacs seront utilisés d'ici 2h. Au total c'est environ 150kg de pâte à baguettes Tradition et 150kg de pâte à baguettes Classique qui seront produits dans la journée ce qui représentent un total de 750 baguettes sur une journée normale. A ça, il faut rajouté les pains de campagnes, les pains de seigle, les pains complets, les pains de mie, les viennoises, bref, 400kg au total d'encaissés par les bras, le dos et les jambes sur une journée. Y'a pire comme taf, c'est sûr, mais faire un tableau croisé dynamique sur Excel, pour savoir combien de tee-shirt TL New Dutty s'écoulent sur ta région, c'est un peu la maison de retraite à côté!

Je sais, je vous ai parlé d'une nouvelle machine un peu avant. La façonneuse... alors lets go... Réglage des rouleaux, épaisseur, longueur, je balance des pâtons carrés et il en ressort des baguettes prêtes à cuire. Et ouais, oubliez le rouleau en bois et le fait mains... Avec ça, les 120 baguettes sont modelées en presque autant de secondes. Le plus dur réside dans le principe de les mettre sur "couches". Ce sont des grands draps étendus sur des grilles sur lesquels chaque baguette est posée. Entre deux baguettes, le drap est replié pour former une sorte de vague rappelant celle de la côte des basques à Biarritz.

Sur une grille, 20 baguettes prêtes à "pousser"... Il faut que mère nature fasse son oeuvre, que la levure commence à se régaler de l'humidité dans la pâte, se nourrir de la température ambiante, et se la donne avec le sel version kickboxing. Pour que ça se passe dans le meilleur des mondes, on met le tout dans une "chambre de pousse", sorte de grande armoire métallique dans laquelle il est possible d'ajuster la température.

Le reste de la matinée est consacré à refaire la même chose. Sauf qu'entre deux pétrins il faut mettre les baguettes dans le four! Et là, haha, pas trop le droit à l'erreur, sinon tu laisses ta peau sur le bordel. Donc autant vous dire que la sensation du métal à plus de 200 degrés sur mon coude a fait disparaitre toute trace de bière en moi! Face à cette bouche béante surchauffée, je parle du four, un long tapis sert à poser les baguettes avant de les enfourner. Là c'est comme pour sortir la pâte du pétrin, c'est "gogogadget aux" gestes précis mais surtout ultra rapides. Parce que le temps est le pire ennemi dans ce job, et que quand il est l'heure pour la levure, c'est l'heure pour le boulanger. Il faut en environ 2 minutes enlever les baguettes de la "couche" et les déposer sur le tapis telles 20 traces de poudres sur un miroir dans une soirée mondaine. Dans la main gauche, le bout de la couche. Dans la main droite une planche de 60cm de long et 10cm de large. Le but étant de faire faire à la baguette, un aller retour de gauche à droite sur elle même avec la planchette, pour s'assurer qu'elle ne colle pas au tissu. Puis avec la main gauche, tirer sur la couche vers le haut pour que la baguette monte sur la planchette, mais de façon à ce que le dessous soit au dessus. Ensuite il n'y a plus qu'à déposer la baguette en la faisant rouler de droite à gauche de la planchette au tapis. Haha, facile à lire et à écrire, en vrai c'est horrible. Et c'est juste l'enfer quand les baguettes décident de rester collées à la couche. Donc je décide de demander à Philippe de me laisser en faire une série. Lui n'étant pas contre un apprenti actif, il me tend la planchette... 6 brûlures de coudes contre la vitre du four plus tard, je lui rendis son morceau de bois pour qu'il termine l'enfournement. Mon coude ressemblait à un croûton de baguette trop cuite... Mais c'est pas fini, avant de les enfourner, il faut les tailler. Vous avez tous vu qu'une baguette n'était pas lisse. Les reliefs dessus sont donnés par des coups de lame de rasoir avant l'enfournement. Philippe eut donc l'amabilité de me responsabiliser sur cette étape.

Posons donc l'équation à deux inconnues: "Belle coupe" = "Lame de rasoir" + "X" x "Y". Ici X se calcule avec un éthylotest. Y est la constante de fusion chimique de l'assurance du type qui tient la lame de rasoir avec sa précision rétinienne. En sachant qu'à chaque coup de lame, le type est censé tenir la baguette entre son pouce et son index, qu'une baguette fait 5 centimètres de larges et qu'il faut sept entailles. Le résultat "belle coupe" se transforme soudain en "putain de bordel de merde de ta race de salope de lame". Comprenez que c'est toujours une "belle coupe" mais pas dans la baguette! (Pensez à embaucher Wolverine des X-Men ou Freddy, pour gérer cette étape une fois installé au Chili).

Arrivé vers 7h30 du mat' je suis déjà au bout du rouleau. Normal c'est l'heure à laquelle la plupart d'entre vous se lèvent, et j'ai déjà plus de la moitié de ma journée au compteur et 4 tasses de jus de chaussette qui se mélangent dans le bide à la bière. Oui, ici tout le monde boit du café soluble de merde. Mais je perçois cela comme un signe, puisqu'au Chili, tu galères pour trouver un vrai café, c'est que du Nescafé...

Cette première journée continua jusqu'à 11h, soit 8 heures d'observations non stop, de coupures, de brûlures et d'échanges avec mon mentor sur la farine, la levure, ses expériences passées, sa vie, et le PSG... Franchement le métier est juste dingue mais c'est aussi cette boulangerie et ce boulanger qui font en sorte que ce soit ultra intense. Comme le dit Philippe, tout ses remplaçants lorsqu'il part en congés, mettent 4h de plus que lui à sortir le même travail car il est comme un robot. Il regarde presque plus l'horloge. Il connait exactement tout par coeur. On appelle ça l'expérience soi-disant. Ce qui est sûr c'est que dans l'artisanat, tu inventes pas grandes choses sur les techniques et les gestes. Pour les acquérir faut de la maîtrise et beaucoup de passion.

Le deuxième jour arriva très rapidement après un coma de 10h. Entre temps Raph m'avait proposé de récupérer son scooter pour m'éviter le délire du bar de 1h à 3h. Grâce à lui, j'ai pu dormir de 14h à 19h puis de 21h30 à 01h30. C'est quand même ultra pratique, car tu peux dormir, te doucher, préparer un énorme thermos de café pour éviter le supplice du café en poudre et surkiffer la vue de Paris by night. Bizarrement le réveil a été très facile. J'étais ultra motivé à montrer un autre visage à mon formateur et surtout pratiquer plus. Je démarre donc le scooter et décide de passer par les circulaires de la Défense pour profiter de la vue plutôt que par le tunnel souterrain de l'A14... Arrivé sur les circulaires, je suis déçu de voir que la tour Eiffel est éteinte comme la plupart de la ville, mon attention est vite captée par le tableau de bord du scooter. Bon Raph m'avait prévenu que c'était un peu du n'importe quoi sur les voyants mais que ça marchait quand même. Pour moi voyants égalent lumières et non aiguilles. J'étais à environ 70km/h, sachant qu'un radar n'était pas loin, je ne sauçais pas trop, mais voyant les aiguilles partir dans tout les sens tels l'altimètre du Rio-Paris, qu'est ce que je fis?! Je donna un petit coup de gaz pour tenter de stabiliser l'aiguille. En moins de 3 secondes, j'illumina la totalité de la Défense avec le flash du radar qui se répercuta sur toutes les parois de verres des buildings. Prix du spectacle: 45€ la seconde.

Le reste du chemin se fit à 40 km à l'heure pour éviter tout autre désagrément. Et pourtant à cette vitesse, il peut t'en arriver. Car pour aller jusqu'à la boulangerie, faut passer par les Champs. Et à 2h30 du mat, les champs c'est du grand n'importe quoi... Les lascars qui zonent en attendant le premier RER et qui aimeraient bien te prendre ton deux roues au feu rouge. Les mecs surcockés qui prennent les champs pour un circuit de F1. Les chauffeurs de taxi qui zigzaguent de fatigue. Et les blacks qui t'éblouissent avec leur côté blingbling à la sortie du Néo ou du Tania. J'ai rien contre les renois mais sérieux, j'vous préfère en Air max et jogging Lacoste pour une question de sécurité routière. Depuis que P Diddy et Pharrel sont devenus célèbres, c'est carnaval. Mais je comprends pourquoi vous avez un sac 48h avec vous quand vous sortez en boite sur les champs!!! C'est pour foutre les Air Max et le jogging... Histoire de vous changer dans le RER et ne pas vous faire insulter en arrivant à la cité par les vrais gars du quartier!

Arrivé à la boulangerie, là c'est plus la même que la veille. Je suis reposé, sans bière dans le sang mais délesté de 45€... Mais je suis super chaud pour jouer la deuxième mi-temps. Mon oeil est plus vif, mes gestes plus sûrs et sans l'alcool la fête est plus folle. J'vais pas vous bassiner avec à nouveau mes machines, mes baguettes et les brûlures mais ce qui est sûr c'est que j'ai énormément kiffé à 10h30 finir ma journée et regarder notre production attendre dans les panières.

3 semaines après, seules 2 journées de plus ont commencé à 3h du mat. Mais le fait de débuter à 6h reste suffisant pour apprendre à faire du pain. Cela m'a aussi permis de travailler avec le pâtissier et surtout le tourier (celui qui fait croissants, chocolatines et autres viennoiseries).

Produire quelque chose est un sentiment assez incroyable. Le but de cette aventure était aussi basé sur cela. Je commence non seulement à le toucher du doigt mais aussi le prendre en main. Je me dis vraiment que ce choix est le bon. Je prends du plaisir malgré la fatigue. Avant d'ouvrir quelconque affaire, autant en maitriser le produit que l'on y vend à l'intérieur. Je ne dis pas que c'est le cas au bout d'un mois et demi mais la base est là et surtout, l'intérêt c'est transformé en une sorte de fierté.

Je vais maintenant essayé de vous mettre un peu plus de photos et de vidéos afin que vous réalisiez un peu mieux le changement de mon quotidien.

Ne vous attendez pas à des articles tout les deux jours car comme je vous le disais entre vie de famille, vie de boulanger et préparation de la vie future, il ne me reste plus beaucoup de temps pour écrire.

Encore une fois, merci de me suivre dans cette aventure, et n'oubliez pas de laisser votre email juste là, dans la colonne de droite sous l'onglet "s'abonner".

A très vite. Brioche praline et pain pavot

Vince la boulange

A 3h du matin c'est plus la même...
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D
Merci poulet de nous permettre de suivre tout ca. C du bonheur, disfruta!. La bise a vs 3
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S
Baker &amp; Blogger ! Waouh, Frangin ton article est décoiffant !<br /> grosses ises
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T
Un régal de suivre tes débuts dans cette reconversion avec une si belle plume ( 90/10 meilleure composition Mr Tog's) tel un romancier pour nous retransmettre tous ces détails de ta nouvelle vie professionnelle!! bises
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Y
Ah je kiff! !!!!!!
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